Rétrospectives et perspectives : femmes et genre en littérature, le temps du bilan ? (appel à communications)
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28 novembre 2024 (date limite)
Université de Poitiers
Présentation
Appel à communications pour le colloque international : Rétrospectives et perspectives : femmes et genre en littérature, le temps du bilan ?
5-6-7 novembre 2025
Université de Poitiers
Organisatrices : Béatrice Bloch, Anne Debrosse, Natacha D’Orlando et Élina Galin, université de Poitiers
Colloque dans le cadre du FoReLLIS, avec le soutien de l’École doctorale Humanités (Université de Poitiers), la SIÉFAR (Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime) et de l’IEC (Institut Émilie du Châtelet).
Appel
Les études de genre sont désormais bien installées dans les sciences sociales et en histoire, à tel point qu’on a pu dire dès 2008 qu’elles atteignaient un palier, après une période d’ascension, d’effervescence et de riches apports scientifiques. Dans ces domaines disciplinaires, nombreux sont les travaux qui se consacrent à des questions de genre uniquement et les contributions scientifiques se passent désormais difficilement de ce prisme.
La recherche en littérature ne manque pas de s’y intéresser en France, non sans quelques retards et réticences qu’une comparaison avec les mondes académiques anglophones rend particulièrement sensible. De fait, et comme le rappelait notamment Christine Planté en 2018, le lien entre pensée du genre et des sexualités, d’une part, et pensée et pratiques de la littérature, de l’autre, s’établit précocement. Une large part des travaux considérés désormais comme fondateurs pour les études de genre proviennent en effet d’autrices (Hélène Cixous et Monique Wittig, par exemple, pour le contexte francophone) ou de théoriciennes qui ont été formées en études littéraires (comme le sont Gayatri Chakravorty Spivak ou Eve Kosofksy Sedgwick ; Judith Butler a enseigné dans un département de Littérature comparée et est titulaire de doctorats de Lettres honoris causa). Ce lien organique et originel a pu sembler s’étioler à mesure que la recherche française en littérature a accumulé du retard sur ses questions, malgré son ancienneté sous nos latitudes, comme les travaux d’Hélène Cixous, Luce Irigaray en témoignent. En France, ces études semblent néanmoins recevoir désormais un coup d’accélérateur après ce temps de latence, en décalage avec leur explosion dans les sciences sociales et certaines sciences humaines, ainsi qu’avec le développement, sur la scène académique mondiale des études sur le genre et les sexualités (que celles-ci soient, selon les époques, désignées comme études sur les femmes, études féministes, études lesbiennes et gays, études sur les masculinités, ou encore études queer).
Pour ce qui concerne la littérature féminine dans le milieu universitaire français, certes, des recherches existent depuis longtemps (La Petite Sœur de Balzac, 1989, etc.). Ces travaux, d’abord peu nombreux, se sont massivement diffusés et rencontrent de francs succès éditoriaux, y compris en dehors des murs de l’Université, comme en témoigne le récent Femmes et littérature. Une histoire culturelle (2 vol., 2020). Cependant, cet ouvrage complet arrive 30 ans après L’Histoire des femmes en Occident (1991) et se place sous le signe de « l’histoire culturelle », oscillant ainsi entre histoire et littérature, représentations et réception, comme si les études littéraires hésitaient à s’emparer du genre, en tout cas en France, et devaient se placer sous le patronage de l’histoire pour ce faire. Les études de genre ayant découlé en partie des études sur les femmes et des études féministes, la latence entre ces dernières et l’apparition de travaux et de sommes relatives aux études lesbiennes et gays, queer ou aux études sur les masculinités s’explique facilement. Cependant, là encore, les études littéraires françaises ne sont pas à la pointe. Plus précisément de nombreux travaux réflexifs et novateurs existent ; cependant, ils n’ont pas toujours eu la reconnaissance qu’ils méritaient. Il y a un réel retard institutionnel, contrastant avec les initiatives de volontés individuelles tenaces, qui tentent d’institutionnaliser le champ en France mais que l’invisibilisation menace toujours. Si toutes les universités américaines comportent des spécialistes du genre, ce n’est pas le cas en France. On attend sans doute l’équivalent de l’Histoire de la virilité (2011) et des ouvrages de Marie-Jo Bonnet (1981) et de Jennifer Tamagne (2001) : le premier colloque français sur lesbiennes et littérature s’est tenu récemment à Mulhouse (2019) et une première synthèse sur la « littérature lesbienne » vient de paraître (Écrire à l’encre violette, 2022) – synthèse qui fait le constat que jusqu’à maintenant, la recherche a été menée essentiellement par des « militant.es et étudiant.es, journalistes et lecteurices, archivistes, maisons d’édition et chercheureuses indépendant.es » (p. 20) plutôt que par des chercheur.ses en poste dans des institutions scientifiques. Paula Dumont en est un exemple frappant, elle qui dut attendre sa retraite de l’Éducation nationale pour publier sur la question – dont son Entre femmes, 250 œuvres lesbiennes résumées et commentées en 4 vol. (2015-2022), seul travail encyclopédique français sur ce sujet. Par comparaison, The Gay and Lesbian Literary Heritage: A Reader's Companion to the Writers and Their Works, from Antiquity to the Present date de 1995 et a reçu tous les soutiens institutionnels nécessaires à une telle entreprise. Les productions militantes érudites foisonnent, avides justement de combler le vide universitaire, aussi bien sur le plan de la recherche que de la transmission. Si les masters en études de genre se développent, ils sont souvent l’émanation des sciences humaines et sociales, et, si l'on excepte le DEA d'Études féminines fondé à l'Université Paris 8 dès les années 1970, ils ne se sont ouverts aux disciplines littéraires que dans un second temps. Les entreprises de cet ordre en littérature sont souvent sporadiques, et le fruit de bonnes volontés locales, qui répondent à la demande croissante des étudiant.es, sans qu’elles fassent particulièrement partie d’un groupe de travail étiqueté « genre », si ce n’est à se fondre dans un projet pluridisciplinaire. Pourtant, l’intérêt d’une perspective littéraire ne fait aucun doute, même si la question de la disciplinarité se pose, la discipline étant entendue au sens large : stylistique, narratologie, sémiotique, socio-littérature, études de réception, approches thématiques... Peut-être n’est-ce pas pour rien que les études de genre sont plus intégrées à des questionnements littéraires dans d’autres pays, où les frontières disciplinaires ne sont pas les mêmes, où la littérature est sans doute un objet moins sacralisé (intégration des études littéraires dans les cultural studies), et où l’étude de groupes définis en fonction de leur catégorie de sexe ou de leur sexualité se confronte moins à l’universalisme. Il ne s’agit pas de réduire des approches, nécessairement transdisciplinaires et internationales, ni de pointer les particularités françaises comme un défaut, mais d’inviter à s’interroger à leur sujet, à travers une perspective chronologique large.
[…].
Des propositions sur des corpus de toutes les époques et langues sont bienvenues. Si la focalisation sera sur la littérature française, les études sur d’autres champs littéraires seront les bienvenus, avec ou sans prisme comparatif.
Les propositions de communications (en français, anglais, italien ou espagnol), qui feront une demi-page environ, sont à envoyer pour le 28 novembre 2024 sous format pdf aux adresses suivantes :
beatrice.bloch@univ-poitiers.fr
anne.debrosse@univ-poitiers.fr
natacha.d.orlando@univ-poitiers.fr
elina.galin01@univ-poitiers.fr